L’empreinte optique en odontologie

Introduction

Les premières empreintes optiques remontent aux années 80. Aujourd’hui, elles remplacent les empreintes conventionnelles qui présentent certaines limites connues et reconnues entre autres les étirements de matériaux d’empreinte, les déchirures, les bulles d’air qui mettent en péril la qualité de celles-ci, auxquelles s’ajoutent les délais ainsi que toutes les étapes de traitement qu’elles subissent depuis la coulée qui augmentent considérablement les retouches en bouche voire même le risque d’échec de la prothèse finale.

Depuis leur invention, les scanners et caméras intra-orales ont subi de nombreuses évolutions et trouvent aujourd’hui leur place dans les cabinets dentaires avec des indications en omni-pratique mais aussi dans les différents domaines de l’odontologie.

Définition

L’empreinte optique se définit comme la projection d’un signal lumineux sur les surfaces dentaires. Le signal réfléchi sera recapté par la caméra ce qui permettra de créer le modèle tridimensionnel 3D.

L’empreinte optique en tant que 1er maillon de la chaine numérique dentaire

L’acquisition par empreinte optique comporte une première étape d’acquisition de données suivie d’une étape de traitement de ces données.

Elle peut se faire soit par :

  • Scannage du modèle au sein du laboratoire avec un scanner extra-oral ou scanner de table (avec ou sans contact) qui numérise un modèle en plâtre issu d’une empreinte ou directement une empreinte physique classique.
  • Une caméra intra-orale directement en bouche.

Différents types d’empreintes optiques et techniques d’acquisition

1-Acquisition extra-orale

Il s’agit d’une technique indirecte automatisée qui permet une maitrise du positionnement, de la distance, la vitesse ainsi que l’accessibilité des zones de contre-dépouille.

2-Acquisition intra-orale

C’est une technique d’empreinte directe. Il s’agit d’une opération manuelle donc opérateur-dépendante qui ne permet pas de contrôler d’une manière précise la distance, la vitesse et l’accessibilité des zones de contre-dépouille.

L’acquisition des images 3D par le scanner intra-oral peut se faire soit par l’enregistrement de clichés successifs dont l’inconvénient majeur est la vitesse d’acquisition, soit en mode dynamique (type film). L’acquisition sera dans ce cas beaucoup plus rapide (environ 5min pour numériser les deux arcades et l’occlusion).

Traitement numérique de l’empreinte optique:

Le fichier issu de l’acquisition des surfaces dentaires constitue le point d’entrée de la chaine CFAO dentaire. Il consiste en une représentation du moulage ou de l’arcade du patient sous forme d’un nuage de points. Ce nuage de points bruts n’est en réalité pas exploitable et nécessite une étape de traitement par un logiciel dédié pour l’optimiser en procédant à un recalage, repositionnement, fusion des points superposés, nettoyage et filtrage des points aberrants et homogénéisation des densités afin d’alléger la taille du fichier et accélérer le traitement des données virtuelles.

Fichiers obtenus à la sortie du maillon acquisition 

Ces fichiers peuvent être de format propriétaire, qui ne peut être lu que par les logiciels de conception de la même marque, ou universel. Mais la tendance va aujourd’hui vers l’ouverture des systèmes. En effet, les fichiers universels peuvent être lus par l’ensemble des logiciels de conception.

Les fichiers universels sont le STL (Standard Tesselation Language ou Standard Triangle Language) et le PLY (Polygonal File Format).

Le fichier universel STL définit un maillage de triangle qui va créer un objet 3D en noir et blanc qui ne renseigne ni la couleur ni la texture.

Le fichier PLY est constitué d’un assemblage de polygones qui peut transférer des informations comme la transparence ou la couleur. Mais tous les logiciels ne sont pas encore capables de gérer ce format de fichier.

Caractéristiques des caméras intra-orales

Plusieurs paramètres sont à considérer dans le choix d’une caméra intra-orale. La technologie choisie conditionne l’accès à certaines modalités (ex : absence de poudrage, couleur, enregistrement en continu). Ci-dessous nous avons répertorié les principales caractéristiques des caméras intra-orales.

Ergonomie de la pièce à main

L’ergonomie regroupe la taille, la forme de la caméra, son poids, sa prise en main, la hauteur nécessaire au niveau de l’embout, la taille de la tête.

A ceci s’ajoute, l’équilibre de la caméra qui est un caractère primordial garantissant une stabilité et une maniabilité optimales lors de l’acquisition.

Une tête large permet un champ d’acquisition plus important, mais elle peut rendre l’accès difficile à certaines zones surtout postérieures.

La distance focale, est définie par la distance entre l’embout de la caméra et les surfaces à enregistrer. Certaines marques demandent d’être au contact des dents alors que d’autres préconisent une distance pouvant dépasser les 10 mm ce qui rend l’empreinte optique délicate au niveau postérieur surtout en disto-vestibulaire.

La prise en main la plus commune et la plus familière est la façon « stylo » mais il existe des caméras façon « pistolet ».

Récemment, des caméras version wireless ont été développées permettant de s’affranchir de la contrainte du fil et une plus grande liberté de mouvement.

Poudrage

Il sert à uniformiser la réflexion de la lumière des surfaces à enregistrer (émail, matériaux d’obturation, couronnes).

Certains systèmes nécessitent un poudrage avant la prise d’empreinte pour faciliter l’enregistrement des surfaces dentaires. D’autres le recommandent.

Les caméras intra-orales powder-free peuvent occasionnellement nécessiter un léger poudrage pour les zones particulièrement brillantes (restaurations métalliques).

Mais la tendance va vers une acquisition sans poudrage.

Mode de capture (prise de vue)

Il peut s’agir d’un mode image ou vidéo, la seule différence serait la vitesse d’acquisition qui est plus rapide en mode continu sous forme de film.

Ce mode d’acquisition autorise une grande liberté de mouvement, mais un chemin de scannage imposé par le fabricant doit être respecté.

Couleur 

La majorité des systèmes permettent aujourd’hui d’obtenir un maitre modèle en couleur plus ou moins réaliste. Ceci donne une texture au fichier 3D qui ressemble au tissu dentaire et faciliterait la lecture de certains éléments notamment les limites de préparation juxta-gingivales complexes.

Toutefois, il est possible à tout moment de basculer vers un affichage monochrome car finalement c’est le modèle monochrome qui constitue le vrai modèle de travail équivalent au modèle en plâtre et qui permettrait de juger la qualité de notre empreinte. Les deux modes d’affichage sont complémentaires.

Prise de teinte 

Certains scanners intra-oraux peuvent également donner simultanément la couleur des dents et donc aider le praticien dans le choix de la teinte.

Format des fichiers 

Auparavant, on parlait de fichiers fermés, à ouverture contrôlée ou ouverts. Aujourd’hui les systèmes sont de plus en plus orientés vers l’export au format ouvert STL, permettant de travailler sur les empreintes avec n’importe quel logiciel de CAO.

Fonctionnalités du logiciel 

Tous les logiciels associés aux caméras d’empreintes optiques permettent de visualiser l’espace prothétique disponible et les contacts occlusaux.

Coût

L’amortissement d’une caméra optique est difficile à évaluer. Il comprend : Le coût d’acquisition de la caméra ainsi que de l’unité informatique, les licences d’exploitation, les mises à jour logicielles et enfin les frais de maintenance.

Chairside

Certains systèmes proposent une chaîne CFAO complète (acquisition, CAO, FAO) permettant au praticien de passer à la CFAO directe s’il le souhaite.

Evolutivité

L’acquisition d’une caméra d’empreinte optique peut aussi se voir comme une première étape vers une conversion en CFAO directe car aujourd’hui, tous les systèmes permettent d’exporter les fichiers au format STL. Le praticien pourrait s’équiper avec du matériel de la même marque soit chez un autre fabricant.

Précision de l’empreinte optique et notion d’exactitude

La première question qui nous vient à l’esprit quand on évoque l’empreinte optique est quel est l’apport de cette dernière en termes de qualité et de précision par rapport aux techniques conventionnelles et quelle est la technique la plus fiable dans les différentes situations cliniques ?

L’exactitude est le terme approprié pour qualifier la qualité ou précision d’une empreinte.

Elle prend en compte deux critères :

  • La justesse : La mesure du taux de déviation entre les dimensions réelles de l’objet et la mesure de l’empreinte.
  • La fidélité : La mesure des différences entre les résultats obtenus à partir des mesures répétées d’un même objet avec le même système d’empreinte.

Cas des arcades partielles

De nombreux facteurs peuvent influencer la qualité d’une empreinte en clinique. L’évaluation de la qualité d’une empreinte numérique, repose sur l’analyse de l’adaptation marginale des prothèses issues des deux types d’empreintes (numérique et conventionnelle) réalisées par les mêmes chaines de fabrication CFAO.

D’une manière générale, l’adaptation marginale en prothèse est acceptable en dessous de 120μm. Les études in vitro montrent que les valeurs d’adaptation marginale des couronnes céramiques obtenues à partir d’empreintes optiques sont équivalentes voire meilleures que celles obtenues à partir d’empreintes classiques.

Ceci a été confirmé in vivo dans le cas de restaurations unitaires ou de petite étendue avec une moyenne des valeurs d’adaptation marginale égale à 90μm.

C’est aussi le cas des restaurations partielles de type inlay/onlay dont les valeurs d’adaptation marginale obtenues avec une empreinte numérique sont satisfaisantes.

Cas des arcades complètes

D’après les données de la littérature, la référence actuelle est l’empreinte conventionnelle avec des élastomères, car elle reste significativement supérieure aux empreintes numériques lorsqu’il s’agit d’arcade complète. On rapporte aussi que l’exactitude est meilleure en secteur antérieur qu’en postérieur avec des déviations dans le plan horizontal et des erreurs de justesse qui peuvent aller jusqu’à 170μm.

C’est la phase de reconstitution numérique permettant d’assembler entre elles les images obtenues pour recréer l’arcade complète qui est pointée du doigt par plusieurs auteurs.

Il semblerait donc que ce soit l’accumulation des erreurs survenant lors de la phase d’enregistrement et de traitement numérique des images qui soit à l’origine de ces importantes déformations.

Ainsi, selon certains auteurs on pourrait envisager d’obtenir des empreintes d’arcades complètes plus fiables dans l’avenir grâce à des améliorations des logiciels et non des caméras.

De plus, selon d’autres auteurs, il semblerait que le nombre de préparations est responsable de l’altération de la qualité de l’empreinte numérique. Plus il est important, plus les différences entre les systèmes d’empreinte optique seraient significatives.

De manière générale, on considère que les empreintes numériques présentent un niveau de précision suffisant voire supérieur aux techniques classiques dans le cas de restaurations unitaires ou de petites étendues (jusqu’à 3 éléments). Toutefois, les empreintes classiques élastomères restent le gold standard pour l’enregistrement d’arcades complètes notamment en présence d’un nombre important de préparations.

Cas des prothèses supra-implantaires 

Il est difficile de conclure sur la qualité des empreintes numériques dans le cadre de prothèses fixes implanto-portées par un manque de littérature sur ce sujet. Mais certains auteurs soulignent que plusieurs critères sont à respecter afin d’obtenir une empreinte de qualité équivalente voire supérieure à une technique conventionnelle et qu’un protocole très rigide doit être appliqué. Ainsi, la qualité de l’empreinte serait opérateur-dépendante et expérience-dépendante.

Protocole opératoire d’acquisition

Une fois que les dents sont isolées de l’humidité (salive, sang) et le poudrage effectué, si nécessaire, avec un dépôt fin et sans paquet l’acquisition peut commencer.

Il faut respecter la technique, la durée, la vitesse et la trajectoire de scannage recommandées par le fabricant. Le geste doit être fluide et rapide et il faut surtout s’affranchir progressivement de la bouche et coordonner sa gestuelle avec ce que l’on voit à l’écran.

La prise de vue des préparations ou du modèle de travail doit être effectuée dans le plus grand axe de la préparation pour être exploitable et révéler certaines zones de façon lisible. Pour une préparation périphérique conventionnelle ces zones sont :

  • la totalité de la limite cervicale et de la ligne de transition
  • la préparation cervicale
  • la ligne délimitant la surface dentaire préparée
  • les papilles et les points de contact des dents adjacentes

Si la préparation est « opto-lisible » et l’on distingue bien ces zones, la CAO et la FAO seront optimisées. Sinon il y a un fort risque de rencontrer des difficultés lors de l’insertion à cause de points de contact mal gérés ou une mauvaise adaptation cervicale ou encore des problèmes de sous- ou sur-occlusion.

L’acquisition se fait en trois étapes successives :

  • Empreinte des préparations (modèle de travail)
  • Empreinte de l’arcade antagoniste (modèle antagoniste)
  • Empreinte des rapports occlusaux par scannage de la face vestibulaire du secteur intéressé en occlusion. Le logiciel met alors les deux arcades en OIM (occlusion d’intercuspidation maximale) soit de manière automatique ou manuellement.

Avantages

L’empreinte optique permet de réduire les temps de travail par rapport à une empreinte conventionnelle surtout pour le scannage de secteur et permet de diminuer l’inconfort des patients qui jugent souvent l’empreinte classique trop agressive.

Dans certains cas complexes nécessitant des empreintes multiples ou chez les patients à haut risques nauséeux, l’acquisition pourra être réalisée progressivement tout en conservant la qualité de l’empreinte.

Par ailleurs, l’empreinte optique est plus simple que l’empreinte conventionnelle grâce à son caractère objectif dans le sens où elle ne laisse pas de place à l’interprétation et au hasard.

Elle permet en effet, un rétrocontrôle immédiat sur les préparations des dents afin de les valider avant l’envoi et d’améliorer nettement la qualité et la lisibilité des empreintes transmises au laboratoire.

De plus, l’empreinte classique chimico-manuelle est une manipulation longue nécessitant une certaine technicité et expérience.

Contrairement à l’empreinte en plâtre, lourde, encombrante, difficile à stocker non reproductible, fragile et non conservable, l’empreinte numérique elle, est inaltérable, invariable, car elle ne subit pas d’usure ni de déformation dans le temps et elle est en plus duplicable, facilement stockable et transférable (support numérique, serveurs sécurisés).

D’où l’intérêt de passer à l’empreinte numérique par acquisition intra-orale. En outre, sa précision est équivalente voire supérieure aux matériaux conventionnels notamment pour les réhabilitations prothétiques unitaires ou de faible étendue.

Enfin, l’empreinte optique est un excellent outil de communication, que ce soit avec les patients pour leur expliquer les travaux prothétiques à effectuer ou le prothésiste, L’échange se faisant en temps réel.

Inconvénients 

Bien que la prise d’empreinte numérique présente de nombreux avantages, on trouve néanmoins des limites à son utilisation liées principalement au patient, au système optique et au logiciel de traitement des données numériques.

Le flux salivaire peut influencer négativement les systèmes des scanners intra-oraux et le saignement sulculaire peut masquer une partie des limites des préparations.

L’enregistrement des préparations serait aussi compliqué par une mauvaise accessibilité de la caméra surtout au niveau postérieur due essentiellement à une limitation de l’ouverture buccale, une limite de préparation trop profonde et par les mouvements du patient.

On dit souvent que la caméra n’enregistre que ce qu’elle voit. L’empreinte optique serait plus simple que l’empreinte classique mais elle est aussi plus rigoureuse.

Les techniques de préparations doivent être adaptées à l’empreinte numérique et les techniques d’éviction gingivale sont vivement recommandées.

Lors de l’acquisition numérique, il existe principalement deux niveaux de dispersion :

  • La fidélité des nuages de points bruts (notamment si le scannage du modèle est issu d’une empreinte physique) par rapport à l’objet scanné.
  • Le traitement des nuages de points par rapport au nuage brut.

Le poudrage est, pour certains systèmes et dans certains cas, nécessaire mais il peut entraver la précision de l’acquisition s’il est en couche très épaisse. L’épaisseur optimale est située entre 40 µm et 60 µm. Certaines caméras essentiellement sans poudrage recommandent l’utilisation d’un spray de poudrage pour accélérer l’acquisition.

Des études in vitro comparant l’empreinte numérique à l’empreinte conventionnelle ont montré que les deux techniques se valent en termes d’exactitude. En revanche, les empreintes conventionnelles ont l’avantage d’engendrer moins de dispersions et les arcades complètes sont aujourd’hui difficiles à établir avec une caméra intra-orale.

Comment choisir sa caméra intra-orale ?

Au moment de choisir vers quel scanner intra–oral le chirurgien-dentiste veut s’orienter, il faut en discuter avec son prothésiste afin de s’orienter vers un modèle correspondant aux attentes du praticien mais compatible avec la chaîne du laboratoire. Ensuite, il sera nécessaire de passer par une phase d’essai et d’apprentissage afin d’appréhender ce nouvel équipement.

Le praticien peut se perdre devant une multitude de données techniques parfois difficiles à déchiffrer entre les descriptifs des nombreux fabricants ainsi que les dernières évolutions : systèmes sans fils, enregistrement de la teinte, modèles compacts.

Avant de se lancer, les éléments principaux à considérer sont :

  • Le coût
  • Les performances en termes d’exactitude
  • Les caractéristiques techniques : Vitesse d’acquisition et temps de traitement des données (algorithme), taille du capteur (nb. pixels et surface d’acquisition), distance focale (profondeur de champ…), numérisation du moulage/ empreinte / arcade dentaire
  • L’ergonomie de l’appareil : Durée d’acquisition, avec ou sans poudrage

D’une manière générale les caméras répondant aux standards actuels sont dotées d’une acquisition en flux vidéo, en couleurs et powder-free.

Conclusion

L’empreinte optique est en plein essor, elle représente une alternative sérieuse aux techniques d’empreintes conventionnelles.

C’est un moyen fiable, rapide et confortable d’acquisition qui facilite la communication avec les laboratoires de prothèse et les patients même si la qualité de numérisation d’une arcade complète reste aujourd’hui encore limitée.

Après avoir conquis le monde de la prothèse fixée, elle s’est ouverte à la prothèse adjointe, à l’implantologie et à l’orthodontie offrant ainsi des solutions complètes aux chirurgiens-dentistes convertis au numérique.