La chirurgie implantaire guidée

Depuis quelques années, la chirurgie implantaire guidée est une association de trois éléments à savoir l’évolution de l’implantologie moderne, des techniques d’imagerie, et la révolution du numérique a permis le développement d’un nouveau protocole qu’est l’implantologie assistée par ordinateur (IAO) ou l’implantologie guidée.

Cette technique innovante permet de poser les implants dentaires au moyen d’un guide confectionné numériquement et ne déroge pas à la règle de base de l’implantologie moderne où le projet prothétique pilote la position de l’implant et donc la chirurgie.

Le but premier de cette technique chirurgicale est d’aider l’implantologue à préserver les structures anatomiques des maxillaires, mais aussi lui permettre de réaliser une mise en charge et esthétique immédiate tout en étant moins invasif.

Le présent article traite brièvement de l’historique de l’implantologie guidée, son principe, les différentes étapes du protocole, la technique de fabrication du guide, ses avantages et ses limites en passant par les différents concepts et systèmes actuellement disponibles ainsi que les différents types de guides envisageables.

Aperçu historique

Les tout premiers guides datent de 1999 et étaient à appui osseux. Une chirurgie invasive avec lambeau était alors nécessaire pour contrôler la bonne position du guide sur l’os. Après la levée du lambeau, l’intrados du guide était ajusté et stabilisé directement sur l’os.

Ces guides étaient réalisés à partir de la reconstruction 3D de l’os par la conversion des fichiers radiologiques DICOM en fichiers .STL. C’est donc l’édenté complet qui a bénéficié en premier de la chirurgie guidée en raison des problèmes rencontrés avec les guides radiologiques utilisés à cette époque.

L’idée était alors de simplifier les chirurgies complexes et invasives.
Quelques années après, en 2002, le guide à appui muqueux est né grâce à l’utilisation d’un palais radio-opaque qui délimite le volume des tissus mous. La technique du double scanner a permis de réaliser des guides à appui muqueux pour une chirurgie Flapless. Cette technique, comme son nom l’indique, permet d’éviter de soulever un lambeau et donc de travailler en trans-gingival.

Grâce aux radiographies tomodensitométriques (Scanner et Cone beam), on différencie les zones osseuses des tissus mous. L’intrados du guide d’imagerie permettait de modéliser précisément le guide chirurgical.

Figure 1 Guide chirurgicale stéréolithographique à appui muqueux

Enfin, les guides de dernière génération sont réalisés à partir de modèles de laboratoire numérisés et la toute dernière évolution consiste à utiliser l’empreinte optique intra-buccale pour concevoir le guide chirurgical.

Aujourd’hui l’implantologie guidée trouve son indication chez les patients édentés partiels.

Le Principe

La chirurgie implantaire guidée utilise un logiciel de planification qui permet le « Matching » ou la superposition des données radiologiques (fichier DICOM) et cliniques (fichier STL) du patient. Les fichiers DICOM sont issus d’une radiographie Cone Beam ou encore d’un scanner. Les fichiers STL sont issus des empreintes numériques de la bouche du patient.

La superposition de l’ensemble de ces fichiers numériques peut se faire de façon automatique ou manuelle.
Le Matching a pour but de faire correspondre les données radiologiques avec les surfaces dentaires et gingivales sur lesquelles reposera l’intrados du guide.

Figure 2 Maching du fichier DICOM et stl avec le logiciel QuickVision 3D

Les étapes de la planification implantaire

Le projet prothétique peut être entièrement numérique en réalisant un wax-up virtuel au niveau des édentements. Cela permet d’obtenir sur une même image la situation anatomique et le projet prothétique.

La confection du guide chirurgical nécessite donc la combinaison de trois éléments :

  • Les données DICOM du Cone beam,
  • Un wax-up virtuel du projet prothétique,
  • Les empreintes numériques du patient,

Les logiciels de planification permettent de mettre en évidence le nerf alvéolaire inférieur.

Une fois que la future prothèse est en place, on passe au choix de la position, la longueur et l’axe des implants. Cela permet, de poser l’indication d’une éventuelle greffe osseuse ou d’un rehaussement sinusien (sinus-lift) et d’anticiper le mode de liaison prothétique : transvissé si l’implant est dans l’axe prothétique idéal ou scellé avec un pilier angulé si l’émergence du puit de vis implantaire est située sur la face vestibulaire de la future prothèse.

Dans le cas de plusieurs implants, il est également possible d’en contrôler le parallélisme.

Figure 3 Différentes coupes montrant le positionnement des implants sur le logiciel de planification QuickVision 3D

Ensuite, des cylindres virtuels sont modélisés en regard des implants au-dessus de la crête gingivale pour ne pas entraver l’insertion du guide en bouche.
Le guide chirurgical est enfin prêt à être modélisé sur le fichier STL de l’arcade édentée, en choisissant précisément les surfaces d’appuis. Le guide est créé virtuellement et un fichier STL de celui-ci peut être exporté afin d’être imprimé.

Figure 4 Conception du guide chirurgical sur le logiciel de planification QuickVision 3D

La fabrication par impression 3D

De nombreux procédés additifs existent à savoir le FDM (Fuse Deposition Modeling, le SLS (Selected laser Sintering ou frittage sélectif par laser). Mais la technique d’impression 3D a connu un boom ces dernières années grâce à la technique SLA (Stéréolithographie).

La SLA consiste en la polymérisation couche par couche par un faisceau laser d’une résine liquide photosensible. Cette technologie permet d’associer un niveau de précision élevé (jusqu’à 10 μm d’épaisseur de couche d’impression) et un état de surface parfaitement lisse.

Des imprimantes de plus en plus ergonomiques et simples d’utilisation, adaptées à l’exercice dentaire et avec des couts abordables, sont proposées par les industriels créant un nouveau marché pour les cabinets dentaires.

La gamme d’imprimante SLA particulièrement s’enrichit de jours en jours, citons l’exemple de la Form2 de Formlabs.
Cette dernière a la particularité de la mise à disposition d’une résine biocompatible de classe I autoclavable, développée spécialement pour la réalisation de guides chirurgicaux : la Dental SG.
Une fois le guide imprimé, celui-ci doit être dégraissé en le plongeant dans un bain d’alcool isopropylique pendant 20 minutes puis rincé et séché et ensuite post-polymérisé, lors d’un passage dans un four spécifique à UV.

Après polissage du guide, les douilles cylindriques en titane sont mises en place par simple friction. Le dispositif peut alors être stérilisé à l’autoclave ou au rayonnement gamma ou encore désinfecté à froid en le plongeant dans une solution de chlorhexidine.

Figure 5 Guide chirurgical avec les douilles métalliques en place

Les différents types de guides chirurgicaux

Différents types de guides chirurgicaux sont envisageables selon la technique chirurgicale : des guides de pointage avec passage du foret pilote uniquement ou des guides de chirurgie complètement guidée.

En fonction du type de guide désiré, le diamètre de ses cylindres peut varier car des tubes en titane y seront insérés.
Les guides implantaires sont également différents selon le type d’appui : à appui dentaire, muqueux ou osseux.

Guide chirurgical à appui osseux

Ce type de guides chirurgicaux nécessite une élévation de lambeau muco-périosté importante (de pleine épaisseur) afin de le mettre en place et le stabiliser, et est de ce fait de moins en moins utilisé par les praticiens, voire même délaissé car il s’oppose à la philosophie de la chirurgie guidée qui vise à promouvoir les techniques mini-invasives.

Le guide à appui muqueux

Ce guide est indiqué dans les cas d’édentement total. Son principal avantage réside dans la technique chirurgicale mini-invasive Flapless qui évite le recours à un lambeau périosté. Toutefois, sa manipulation exige une certaine expérience. Ce guide nécessite l’utilisation d’une clé d’occlusion et ensuite la mise en place de vis de fixation ou de stabilisation appelées encore clavettes trans-osseuses pour avoir une contention ferme et une stabilité optimale.

La surface d’appui sur laquelle repose le guide est la muqueuse qui est une surface dépressible d’une épaisseur allant jusqu’à 3 ou 4 mm. Une pression inhomogène pourrait induire une bascule et par conséquent une déviation du point d’impact initial et donc de l’angulation planifiée des implants.

Le guide à appui dentaire

Il est indiqué dans les cas d’édentement partiel antérieur ou postérieur encastré mais aussi dans les édentements terminaux ne dépassant pas les 30mm de zone édentée. Il permet de réaliser des chirurgies avec ou sans lambeau. C’est le plus précis de tous les guides chirurgicaux, notamment dans le cas d’édentement encastré.

Les logiciels et systèmes de chirurgie guidée

Aujourd’hui, il existe différents logiciels et systèmes de planification entre autres le Simplant™ de Dentsply Sirona, les Systèmes Nobel Guide et Nobel Clinician de Nobel Biocare, le Système Easy Guide, le système CoDiagnostics de Dental wings et enfin le fameux BlueSky Plan.

Ce dernier a été développé par la société américaine Blue Sky Bio et a la particularité d’être téléchargeable gratuitement sur internet.
Grâce à cet outil en accès libre, il est possible de modéliser virtuellement le guide chirurgical et ensuite d’exporter le fichier STL afin de l’imprimer dans un logiciel tiers.

Les avantages de la chirurgie guidée

La chirurgie guidée a permis d’améliorer les techniques conventionnelles employées en implantologie qui présentent des limites en termes de précision par rapport au choix de l’axe de l’implant et sa proximité aux racines des dents adjacentes et aux différents éléments anatomiques. En effet, elle permet d’anticiper les obstacles anatomiques mais aussi le respect du volume osseux résiduel et l’adéquation avec l’axe de la future prothèse. En implantologie conventionnelle, c’est principalement la configuration osseuse du site implantaire qui guide le forage et non l’axe de la future prothèse.

Par ailleurs, le temps d’intervention se voit raccourci, la chirurgie est reproductible, moins invasive, et la traçabilité est facilitée.
Cela avantage aussi bien le patient que le praticien. La chirurgie Flapless réduit le stress du chirurgien et de l’improvisation au cours de l’intervention et sécurise le geste chirurgical en respectant le contexte osseux.

Le placement précis de l’implant dans l’os disponible permet de réduire le recours aux greffes voire permettre la pose d’implant dans des cas complexes où des limitations anatomiques avaient précédemment empêcher le traitement.

En outre, cette technique améliore les résultats prothétiques et facilite la préfabrication de la prothèse.
Le recours à la chirurgie guidée garantit un meilleur contrôle des suites opératoires. Il permet de réduire le risque hémorragique peropératoire et le risque infectieux et de réduire la douleur et l’inflammation post opératoires et donc l’optimisation de la vitesse de cicatrisation.

Le guide chirurgical peut aussi être considéré comme un outil de communication avec le patient qui sert à expliquer et le mettre en confiance par la visualisation de plusieurs perceptions des cas cliniques. Avec le temps, cet outil pourrait avoir un potentiel pédagogique.

Les difficultés et limites de la technique

Malgré la sécurité que cette technologie apporte au praticien et ce, à une condition d’une rigueur extrême entre toutes les étapes, elle ne l’exempte pas d’intégrer avant tout les fondamentaux d’anatomie et d’implantologie.

La première difficulté dans la chirurgie assistée par ordinateur réside dans le manque d’ouverture buccale d’où l’impossibilité fréquente de pouvoir poser des implants dans le secteur postérieur surtout en présence du guide car il est difficile d’introduire le foret dans les douilles. Les auteurs ont aussi constaté que la technicité liée à la chirurgie guidée nécessite une courbe d’apprentissage relativement abrupte car c’est une technique très sensible et opérateur-dépendante et doit être adoptée avec des précautions.
Des complications bénignes ont été rapportées notamment les déviations entre simulation et réalité.

Considérations sur la précision

La recherche de la précision est nécessaire à toutes les étapes et demande l’application précise des protocoles également à toutes les étapes à savoir la planification numérique, la conception et mise en place du guide chirurgical, la mise en place des implants grâce aux cylindres de guidage (douilles) et enfin la mise en place de la prothèse.

L’écart entre la position réelle post-chirurgicale de l’implant et sa position théorique sur le logiciel de planification implantaire, se détermine en mesurant trois paramètres :

  • La déviation au point d’impact du forage (en mm) ou le niveau du col de l’implant
  • La déviation à l’apex (en mm)
  • L’angulation de l’implant (en degré) : déviation dans le sens mésio-distal ou vestibulo-palatin/lingual)

Plusieurs études se sont penchées sur la question de la précision des guides chirurgicaux. Alors ce gain en précision que nous vendent les entreprises développant des logiciels et des systèmes de chirurgie guidées est-ce un mythe ou une réalité ? Qu’en est-il vraiment ?

En chirurgie guidée, les étapes se succèdent : l’examen radio, la simulation informatique des futurs implants, et bien sûr la réalisation du guide stéréolithographique, l’essayage de celui-ci et la chirurgie guidée elle-même. Cela accumulerait le nombre d’erreurs éventuelles qui risquent de diminuer la précision de la chirurgie sachant qu’on ne peut mettre en cause le procédé de stéréolithographie étant donné que le taux d’erreur de la technique SLA ne dépasse pas le 0,1 %.Le recours aux guides stéréolithographiques n’a pas démontré dans les différentes études réalisées une efficacité sans faille.

Sarment et al ont conclu que la pose d’implant avec un guide permet de réduire les déviations par rapport à la chirurgie conventionnelle. Dans leur étude, Nickenig et al reconnaissent que le guide apporte une certaine aide mais que des valeurs cliniquement non-acceptables peuvent en résulter.

Les études d’Ozan et Schneider s’accordent sur des variations peu différentes par rapport à la planification en fonction du type d’appui de guide.
Le guide à appui dentaire est unanimement le plus précis, suivi du guide à appui muqueux et vient enfin le guide à appui osseux.

Il s’avère que quel que soit le type d’appui, la variation de la position de l’apex de l’implant est toujours plus importante que celle du col. Les publications montrent que la déviation moyenne du col implantaire est d’environ 1 mm et que la déviation de l’apex est d’environ 1,5 mm avec des écarts-types très variables pour les deux valeurs.
Quant à la déviation angulaire, la précision du guide à appui dentaire est nettement supérieure à celle des autres guides.

Le coût

Malgré ses innombrables avantages, le recours à la chirurgie guidée n’est pas encore systématique et le principal frein est bien évidemment le coût. Souvent jugé élevé, il va impacter nettement le prix du traitement implantaire. L’impression 3D directement au cabinet dentaire permet d’en réduire le cout et c’est ce que font de plus en plus de chirurgiens-dentistes implantologues. Cela nécessite certes un apprentissage préalable pour se familiariser avec cette technique qu’est la stéréolithographie mais c’est un protocole simple, rapide, sans réellement influer sur le coût du traitement implantaire.

Conclusion

Le flux numérique complet permet la transposition du projet numérique virtuel directement sur le logiciel de planification pour générer le guide chirurgical sous forme de fichier STL et obtenir un dispositif médical sur-mesure.
Le protocole de chirurgie guidée longtemps réservé aux cas complexes en raison de son coût, est aujourd’hui de plus en plus intégré dans les plans de traitement en chirurgie implantaire.
Toutefois, la grande divergence entre les résultats de la littérature sur le gain de précision que promet cette technique devrait nous alerter car on ne peut pas avoir une confiance aveugle au guide chirurgical.
L’utilisation de cet outil constitue une aide précieuse mais ne permet pas de s’affranchir de l’importance de la connaissance et de l’expérience du chirurgien-dentiste.
En effet, cette méthode doit encore faire ses preuves surtout en matière de précision, mais il est indéniable que le principe est révolutionnaire et permet d’étendre encore les possibilités du numérique et des techniques additives pour une dentisterie 4.0.