Le microscope opératoire en odontologie

Le microscope opératoire en odontologie

Introduction : le microscope opératoire

Les aides optiques comme le microscope opératoire sont devenues des incontournable dans l’exercice de la dentisterie. Ces aides visuelles sont principalement de deux types : Loupes avec lampe frontale et microscope opératoire.

Le microscope opératoire constitue en fait, une évolution directe de la loupe binoculaire qui a déjà conquis de très nombreux praticiens.

Son utilisation en odontologie remonte à la fin des années 1960 en France.

En 1998, son utilisation a été imposée au sein des programmes postuniversitaires par l’American Association of Endodontics (AAE).

Aujourd’hui, l’intérêt du microscope opératoire en odontologie et particulièrement en endodontie chirurgicale et non chirurgicale n’est plus à démontrer.

Description

Le microscope opératoire se compose de 4 grandes parties : des binoculaires, un tube, un objectif et un éclairage coaxial.

Figure 1 / Microscope opératoire de la marque Leica

Cahier des charges du microscope opératoire

Comme tout appareillage médical, le microscope opératoire répond à un cahier des charges :

– Grossissement du champ opératoire de x 4 à x 21 pour une profondeur de champ de 65 mm à 10 mm ;

– Distance de travail de 200 à 300 mm ;

– Vision binoculaire, stéréoscopique ;
– Source lumineuse focalisée au centre du champ de travail ;
– Puissance lumineuse 2 à 3 fois supérieure à celle de l’éclairage monté sur des loupes.

Avantages et intérêts

Le microscope opératoire confère de nombreux avantages autant pour le praticien que pour son assistante et ses patients :

Amélioration de la visibilité grâce à un fort agrandissement

Mieux voir c’est mieux travailler, notamment en micro-dentisterie. Grace au microscope opératoire, l’examen est nettement plus précis à partir d’un agrandissement de x13 seulement.

De par ses grandes qualités optiques, le microscope permet un meilleur diagnostic et fournit plus d’informations sur le potentiel carieux de la surface dentaire. Il aide dans la détection et donc le traitement des fissures.

La mise en place du matériau est optimisée grâce au contrôle d’absence de hiatus et à l’élimination des bulles d’air dans les sealents.

En endodontie, où le travail s’effectue à l’échelle du millimètre et sur des profondeurs de 10 à 30 mm dans l’espace canalaire, l’acuité visuelle est le facteur déterminant pour optimiser la motricité fine.

L’utilisation du microscope diminue ainsi le stress du praticien lors des traitements endodontiques et l’appréhension de l’anatomie canalaire. Le système canalaire semble en effet plus clair et accessible.

Grande qualité d’image

Cette qualité d’image irréprochable assure une meilleure interprétation diagnostique et permet un mimétisme des restaurations par rapport aux dents naturelles grâce à la parfaite visualisation des nuances de couleur des dents adjacentes.

Economie tissulaire

La visualisation des détails des tissus dentaires permet une élimination plus précise des tissus carieux, notamment par l’utilisation de fraises très fines et donc une préservation des structures dentaires et des tissus environnants ce qui rend les traitements beaucoup moins mutilants.
Ceci garantit une résistance mécanique renforcée des tissus durs résiduels minimisant le risque de fracture.

Ergonomie

La maniabilité du microscope opératoire permet de travailler avec plus d’ergonomie. En effet, elle améliore la posture du praticien et minimise les tensions vertébrales et la fatigue oculaire dues à une position de travail non ergonomique. Tout cela permet de réduire considérablement les troubles neuro-musculaires potentiels accumulés à la suite de longues séances de soins et donc le stress

interventionnel du praticien lors des traitements demandant précision et rigueur.

Amélioration de la pratique au quotidien et meilleure qualité et précision de travail

L’utilisation de microscope opératoire lors de la mise en place des restaurations adhésives améliore la qualité des joints, l’étanchéité des obturations et prévient donc les sensibilités post-opératoires ainsi que les récidives carieuses. Les restaurations sont de meilleure qualité esthétique grâce à un polissage des finitions améliorées.

Par ailleurs, les traitements endodontiques sont classiquement fondés sur la seule interprétation des examens radiographiques, le sens tactile et le recours à la représentation mentale tridimensionnelle de l’anatomie canalaire. L’utilisation du microscope opératoire permet un accès visuel à une grande partie de cette anatomie.

L’endodontie, en effet, étant considérée comme une spécialité de micro-dentisterie le recours au microscope permet au praticien de profiter d’une image agrandie, d’optimiser les détails et d’assurer une précision du geste.

Possibilité de couplage d’une caméra ou d’un appareil photo

La possibilité d’ajouter un périphérique permet une communication facilitée avec les confrères et constitue un outil éducatif qui crée un environnement interactif où l’assistante et le patient sont davantage impliqués dans le processus thérapeutique.

Ce couplage permet également l’archivage des données et pourrait servir sur le plan médico-légal.

Amélioration de l’image du cabinet

L’utilisation du microscope opératoire permet de booster l’image du cabinet grâce aux technologies de pointe et la valorisation du travail d’équipe à quatre mains.

Réalisation d’études

Le microscope va alors même jusqu’à devenir un outil d’apprentissage dans les centres universitaires les cours de perfectionnement ou de formations continues.

Le microscope opératoire : Inconvénients et limites

Le microscope opératoire présente néanmoins certains inconvénients :

Position imposée au patient

Le praticien, pour travailler dans de bonnes conditions, peut être amené dans certains cas à placer la tête du patient dans une position inconfortable surtout si la séance est longue.

Courbe d’apprentissage

L’utilisation d’un microscope en dentisterie nécessite une formation spécifique. De surcroit, un certain temps d’adaptation, qui varie de 3 à 6 mois pour les praticiens ayant l’habitude d’utiliser des loupes binoculaires et qui peut aller jusqu’à 12 mois pour les autres praticiens, est nécessaire.
Par ailleurs le dentiste doit apprendre à travailler quasiment exclusivement en vision indirecte.

Position du praticien

Pour pouvoir travailler correctement et confortablement, le praticien doit adopter une position bien précise. Des sièges réglables en hauteur avec des repose-bras existent pour limiter la fatigue.

Ergonomie

Le microscope peut être très encombrant s’il n’est pas suspendu au plafond ou fixé au mur.

Investissement financier

L’acquisition d’un microscope opératoire implique un certain coût. Elle nécessite également l’aménagement des locaux ainsi qu’une instrumentation spécifique.

Nécessité d’avoir à disposition un personnel suffisant et formé

En général, il faut une première assistante qui gérera l’instrumentation et une deuxième pour la prise de photos et vidéos.

Expérience du praticien

Le praticien doit avoir un minimum d’expérience pour que l’utilisation du microscope soit efficace.

En effet, c’est pour l’ensemble de ces raisons que l’utilisation du microscope est réservée aux chirurgiens-dentistes spécialistes.

Limites

Avoir de belles images grâce à un fort grossissement et un bon éclairage du microscope opératoire reste insuffisant. Une bonne connaissance de l’anatomie dentaire et de ses aberrations est indispensable à l’optimisation du microscope opératoire.
En effet, les découvertes anatomiques issues du Cone Beam ou CBCT (Cone Beam Computed Tomography) ont relativement modéré l’enthousiasme des partisans du microscope opératoire.

Indications

Le microscope opératoire trouve son indication en parodontologie, en prothèse conjointe lors de préparation coronaire, mais principalement en odontologie restauratrice et en endodontie.

Odontologie conservatrice

En odontologie restauratrice, l’utilisation du microscope peut être à visée diagnostique ou thérapeutique.

A partir d’un grossissement de 13x, le microscope devient réellement intéressant pour l’examen clinique car il permet de diagnostiquer des lésions de très petite étendue entre autres des caries et reprises de carie, des soins défectueux, des fêlures, des fissures.

Par ailleurs, couplé à une micro-instrumentation le microscope opératoire, permet la réalisation de micro-cavités. Il améliore la mise en place des matériaux par le contrôle d’absence d’hiatus et l’élimination de bulles et de vide dans les sealants.

Endodontie chirurgicale et non chirurgicale

L’endodontie idéale se pratique à l’ordre du 10e de millimètre. L’usage d’aides optiques est un énorme atout car il permet de respecter les exigences biologiques et mécaniques de la préparation canalaire. Le microscope opératoire semble, en effet, parfaitement remplir le cahier des charges requis.

Tout au long des étapes du traitement et du retraitement endodontiques, depuis le diagnostic jusqu’à l’obturation tridimensionnelle du système canalaire, de nombreux exemples cliniques témoignent des bénéfices du microscope opératoire :

Diagnostic

En complément d’un sondage ponctiforme inquiétant, lors de la réalisation de la cavité d’accès, le microscope opératoire peut confirmer l’existence d’une fêlure.

La dépose délicate d’un tenon radiculaire sous microscope permet de limiter la destruction excessive de dentine et permet dans certains cas de confirmer l’existence d’une perforation radiculaire.

L’observation directe au moyen d’un microscope opératoire d’une résorption externe dont l’examen radiographique minimisait l’ampleur peut valider l’indication d’extraction de la dent.

Réalisation de la cavité d’accès

D’une manière générale la forme initiale de la cavité d’accès est déterminée par la projection du plafond pulpaire sur la face occlusale de la dent concernée avec parfois quelques modifications pour obtenir un accès direct à tous les canaux.

Cette étape peut toutefois, être compliquée en cas de réduction du volume de la chambre pulpaire ou en présence de calcifications intra-camérales.

Le microscope opératoire permettrait alors de distinguer parfaitement le plafond du plancher ou les calcifications qui oblitèrent les entrées canalaires afin d’éviter les perforations du plancher.

Dès l’effraction pulpaire, même en cas de pulpe non rétractée le microscope opératoire grâce à son grossissement et son éclairage fournit au praticien de nombreuses informations intéressantes pour la réalisation d’une cavité d’accès adéquate entre autres : la visualisation du saignement du tissu pulpaire au niveau de l’entrée canalaire, l’existence de calcifications ou pulpolithes, le surplomb de dentine secondaire ou réactionnelle le tissu pulpaire digéré par l’action protéolytique du ClONa ou hypochlorite de sodium…

Lecture de la « carte dentinaire »

La lumière du microscope permet de discerner les différences de teinte de dentine afin d’éliminer la dentine affectée et retrouver la topographie du plancher pulpaire :

– une dentine d’un blanc crayeux délimite le plancher pulpaire
– une dentine d’aspect bleu nacré borde les entrées canalaires
– une ligne de dentine de couleur brune rejoint les entrées canalaires

Recherche et relocalisation des entrées canalaires

Le microscope en aidant à la lecture de la carte dentinaire permettrait la détermination des entrées canalaires.

En outre, il faciliterait la localisation des orifices canalaires par l’optimisation de l’application des lois de symétrie : Dans le cas des molaires mandibulaires lorsqu’un seul canal distal est présent, il est situé sur la ligne brune séparant les deux canaux mésiaux, les trois canaux forment alors un triangle. La visualisation d’un canal distal déporté doit faire rechercher un second canal distal de l’autre côté de la ligne brune du plancher pulpaire, les quatre canaux forment un rectangle.

Dans le cas d’une prémolaire maxillaire, un orifice canalaire excentré impose de suivre la ligne brune sur le plancher et de rechercher le second canal à son extrémité.

Le microscope est responsable de la découverte du second canal mésio-vestibulaire présent dans 52 % à 96 % des premières molaires maxillaires et de la négociation du second canal d’une incisive mandibulaire.

Par ailleurs, la découverte d’une particularité anatomique externe de la dent à traiter, par exemple une cuspide supplémentaire, doit nous guider dans la recherche sous microscope d‘un canal supplémentaire.

Dans le cas de dents pluriradiculées, il faut procéder à l’élimination du triangle ou surplomb dentinaire à la jonction du plancher et des parois de la cavité d’accès, car les orifices canalaires forment un angle avec les canaux. Cette étape permettant de supprimer la courbure coronaire et d’accéder jusqu’à l’apex avec les instruments rotatifs, est facilitée et sécurisée si elle est réalisée sous microscope opératoire.

Obstacles intra-canalaires

L’élimination des pulpolithes intra-canalaires, d’instruments fracturés ou de gutta-percha sur les parois canalaires lors d’un retraitement avec des instruments spécifiques est nettement facilitée et sécurisée grâce à l’agrandissement et l’éclairage de la zone de travail.

Qualité de la préparation canalaire et de l’obturation tridimensionnelle

L’inspection au microscope opératoire permet le contrôle de l’élimination de la boue dentinaire et des débris pulpo-dentinaires générés par le traitement ou le retraitement endodontique et accumulés sur les parois canalaires.

Le microscope permet aussi, grâce à son grossissement, une vérification visuelle du compactage de la gutta-percha et de la qualité de l’obturation notamment dans le cas d’un canal en C particulièrement difficile à obturer.

Conclusion : Le microscope opératoire

Le microscope opératoire apporte une amélioration de la visibilité incontestable, le diagnostic est facilité, les soins sont plus ergonomiques et confortables pour le praticien ainsi que le patient, de bien meilleure qualité et préservent au mieux les tissus environnants grâce au respect du principe de l’économie tissulaire.

Cependant, il implique un certain coût financier, une courbe d’apprentissage et une organisation bien particulière dans laquelle le rôle des assistantes devient alors primordial.

C’est pourquoi, on retrouve rarement le microscope opératoire chez les omnipraticiens malgré le gain énorme qu’il procure.